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L’Inconscient Collectif Haïtien.

L’histoire contemporaine des dirigeants politiques haitiens est intimement lieé aux modèles qui se sont imposés depuis l’ancienne colonie qui s’est libérée de l’esclavage pour être plongée dans deux siècles de chaos politique. Celui qui est en position de leadership politique a toujours tendance á négliger son role de serviteur pour exercer son autorité de manière implacable. On dirait que quelque part dans l’inconscient haïtien il y a encore le commandeur de l’époque esclavagiste, et la tendance à reproduire ce modèle.

Il faut aussi noter le traitement sévère qui est fait aux enfants, selon la coutume haïtienne, durant les années d’apprentissage, tant à la maison qu’à l’école, a fini par léguer aux Haïtiens une mentalité d’autodépréciation et une certaine tendance à developper des relations interpersonnelles précaires. En effet, l’enfant haïtien n’est aucunement protégé contre les abus physiques et la violence morale ; le fouet et l’humiliation. De père en fils, le traitement ne varie pas, et plus tard on verra l’Haïtien reproduire, parfois inconsciemment, le même exemple. Il déteste son frère, le prive de ses droits, et l’humilie sans raison apparente. Si vous lui demandez d’où viennent la duplicité, la haine et la froideur qu’il manifeste envers ses frères, il est incapable de répondre car il ne sait pas. Erick Berne, dans son analyse transactionnelle, explique :

« La personne humaine est la synthèse de trois composantes, parent, adulte, enfant. La composante parent contient une vidéo de l’expérience de nos parents et de personnes importantes pour nous. Cette composante est constituée de modes de pensée, de sentiments, de gestes et des comportements appris par imitation, soit de notre père, de notre mère, de figures parentales comme des frères, des sœurs plus âgés, etc. » Carl Jung, de son côté, parle d’un « inconscient collectif qui contient les caractéristiques de la personnalité héritée des ancêtres. Cet inconscient collectif comporte des traits qui se sont développés à travers de nombreuses générations avant de devenir caractéristiques de tous les membres d’une culture donnée ».

“Depi languinen nèg pa vle wè nèg”, dit un vieux proverbe haïtien. En effet, l’Haïtien est constamment vilipendé, méprisé et vendu par ses propres frères. Sa situation est un peu comparable à celle des juifs à l’époque d’Hérode qui trahissaient et rançonnaient leurs propres compatriotes pour se faire une place au sein du système. Et comme conséquence, les Haïtiens ne se font nullement confiance et n’expriment à priori aucun respect pour quelqu’un qui leur ressemble, parle leur langage, vit la même situation qu’eux. Freud disait : « la plupart de nos actions journalières sont l’effet de mobiles cachés qui nous échappent ». Les mobiles de nos étranges comportements envers nos frères sont enfouis dans notre subconscient. L’expliquer est quasi impossible. Il en résulte un homme ou une femme remplit d’artifice, de duplicité et de subterfuge.

En dépit de ces regrettables antécédents, l’Haïtien est réputé pour son amabilité, son caractère fraternel et son amour spontané. Voila ce qui caractérise le coté ambivalent de la personnalité du citoyen Haïtien. A force de s’unir pour combattre les dictatures et les mauvais gouvernements, l’esprit d’entraide et de solidarité l’emporte souvent sur des prédispositions psychologiques ou héréditaires. L’élément primordial qui avait donné naissance aux mouvements insurrectionnels jusqu’à la grande révolte de 1803, c’était cet instinct inné de conservation qui portait les noirs à cette conscientisation collective qu’ils ne sont pas des nègres sauvages à cause de leur différence ethnique, mais des êtres humains. En tant que tels, ils doivent unir leur force pour reconquérir leur liberté.

Un peu partout, de nos jours en Haïti, dans les mornes, à la campagne, en ville, dans les milieux haïtiens de l’étranger, etc. On entend le même message : Il est temps que cela cesse; autrement dit, il est temps que la vie recommence en Haïti. On dirait que l’Haïtien est parvenu à une conscience collective de peuple opprimé et qu’il a compris que son affranchissement ne dépend que de lui seul.

Nous savons que tous les peuples dans le malheur, à un certain moment de leur histoire, développent dans un élan spontané, un système mental de défense et d’entraide qui les porte instinctivement à se supporter les uns les autres, et à s’organiser pour se libérer. « L’ami aime en tout temps, et dans le malheur il se révèle un frère », dit le prophète. C’est ce phénomène de conscientisation et d’identification qui grandit de plus en plus parmi les générations en Haïti.

En appui à cette conviction, Dupressoir disait : « En lisant l’histoire de l’humanité, on est frappé de cette vérité que, sous le rapport politique, c’est presque toujours du sein des ténèbres les plus épaisses que jaillit la plus éclatante lumière ».

Dr. Jerry Moncoeur